Cet été aura été marqué par la création du soft GodsFinger (le doigt de Dieu) et son baptême du feu sur le tournage du dernier film de Jaco Van Dormael, Le Tout Nouveau Testament, produit par Climax Films et Terra Incognita. Digital Graphics a été sollicité par la production pour créer une interface interactive de l’ordinateur de Dieu, avec un aspect de vieil ordinateur. Un défi technique et artistique que le studio a pu relever en un mois seulement grâce à ses compétences en développement de logiciel sur mesure.
GodsFinger permet de créer une interface graphique commandée et encodable à distance en direct par un deuxième ordinateur, tout en gardant une commande locale (via le clavier) pour voyager sur l’interface.
En d’autres termes, l’acteur sur le plateau tape ce qu’il veut sur le clavier, et le texte déterminé dans le scénario s’affiche à la vitesse de sa frappe. Il commande lui-même la saute vers une autre interface, monte ou descend dans l’image avec un scroll, revient en arrière pour recommencer, envoie une vidéo, etc. S’il faut modifier le texte (contenu, position, couleur, etc.) ou modifier l’ordre d’une séquence, l’exécution peut se faire à distance sur le deuxième ordinateur connecté en wifi (pas de câble apparents), et ce, sans relancer le programme ou relancer un rendu. L’acteur garde son interface conviviale et limitée au suivi du scénario sans risque d’erreur.
Toujours à distance, il est possible d’ajuster l’écran au besoin de l’image : la brillance, le contraste, la résolution, la distorsion (bords arrondis pour donner l’aspect de vieil écran), le floutage, la couleur, autant d’éléments qui peuvent être modifiés sur le plateau tout en tenant compte du cadre global.
Avantages, pas besoin d’incrustations de l’image de l’écran en post-production, un ajustement tant du contenu que de l’image rapide et en direct et, surtout, l’acteur peut s’appuyer sur l’interaction pour ajuster son jeu.
Histoire d’un développement sur le fil…
Fin du mois de juillet, Digital Gaphics reçoit les consignes pour la mise en place. Le tournage des séquences autour de l’ordinateur est prévu les 27&28 août.
Début août, l’ingénieur commence le développement de GodsFinger tandis que le graphiste créée les vidéos des séquences et les images de background. Les derniers éléments graphiques arrivent la veille du tournage et la demande est de pouvoir encore apporter modifier des choses sur le tournage.
Le 27 août, une équipe de Digital Graphics, composée de Marc Umé et d’une opératrice (chargée de séquençage sur GodsFinger), arrive sur le tournage avec deux boitiers performants au niveau graphique (calcul en temps réel des traitements graphiques), silencieux (pour éviter toute nuisance sonore indésirable sur le plateau), très compact pour la discrétion et prêts à être connectés entre eux en wifi… et seulement quelques séquences graphiques prêtes.
Après les premiers tests, le chef opérateur annonce alors qu’il faut prendre un nouvel écran (sélectionné initialement pour son aspect ‘vieillot’ et coller ainsi à l’histoire) puisque, vu sa vétusté, il n’est pas possible d’en changer la fréquence de balayage. Qu’à cela ne tienne, les décorateurs installent un nouvel écran plat dans la boite de l’ancien ordinateur et l’équipe de DG ajuste rapidement le calibrage de l’image et la position des éléments sur l’écran.
En parallèle, l’opératrice continue à séquencer et ajuster les textes, vidéos et images avec la validation en direct du superviseur des vFX, Emilien Lazaron. Tout doit prêt fin de l’après-midi pour la séquence où Benoit Poelvoorde tape sur l’ordinateur des textes de lois d’emmerdement universel (mélange de textes qui apparaissent en une seule fois et de textes qui s’affichent à la vitesse de la frappe, le tout défilant sur l’écran). En quelques heures, ce sont des centaines de séquençages qui sont encodés pour une succession de textes, de vidéos et d’images à partir des actions de l’acteur.
Fin de la première journée, l’exercice de voltige est loin d’être terminé puisqu’il faut corriger les bugs de connexion liés à l’installation wifi sur le tournage. Marc Umé y passe encore quelques heures pendant la nuit pour rendre également l’application fonctionnelle en local. Autre changement, la relance de l’application prend désormais moins de 30 secondes pour réduire au maximum la perte de temps en cas de bug en direct.
Le lendemain, deuxième jour, les deux actrices (dont Yolande Moreau) prennent un plaisir visible à naviguer dans leurs interfaces respectives. Tandis que Yolande Moreau parcourt une galerie d’images de broderie, la jeune comédienne, qui joue le rôle de la fille de Dieu, pirate l’ordinateur de son père. Le tout sous le regard de la caméra.
Un bug est encore présent lié à la manipulation du clavier… Rien de dramatique, vu que la relance prend moins de 30 secondes. Mais des tests réalisés par des patentés de l’informatique aux doigts délicats aboutissent naturellement à des résultats différents que ceux exécutés par des comédiens heureux de manipuler le clavier avec conviction. Qu’à cela ne tienne… Marc Umé y passe à nouveau quelques heures pour désensibiliser le clavier et s’adapter au jeu.
Un troisième jour de tournage est ajouté pour ces séquences, et cette fois, GodsFinger fonctionne parfaitement. Le réalisateur peut même modifier le séquençage comme il le souhaite.
Au final, on obtient GodsFinger, un soft pas encore à la version beta et déjà bien éprouvé sur le tournage, avec un résultat à voir dans les salles prochainement.
Supervision développement et tournage : Marc Umé & Emilien Lazaron
Développement : Michel Hick
Graphisme : Benoit Pirenne
Séquençage : Virginie Breuls